vendredi 28 janvier 2011

Voyage à Magog... et à l'urgence de Magog

Je m'ennuie déjà d'arpenter les routes du Québec à bord de Rossinante avec ma fille qui tripe et ma blonde qui essaie de relaxer, alors je vous raconte mon histoire de Magog (ayez pas peur, il y a des anecdotes, mais il faut aussi du contexte).

Ça c'est passé à la mi-août 2009. Pendant la fin de semaine caniculaire où on s'est tapé du 34 degrés. Je venais de terminer un contrat d'enseignement de trois semaines et j'avais bien averti ma blonde qu'on partait le samedi dès mon réveil. Bien évidemment, le temps de rentrer tout l'équipement, il était rendu 11h.

On embarque sur la 55 vers Magog, le vent dans les cheveux, la tête pleine de rêves (moi) ou pleine d'anticipations obscures (ma blonde). On s'arrête au moulin à laine d'Ulverton (beau spot) pour manger et se promener un peu. On se fait aborder par tous les nouveaux arrivants parce qu'on mange à l'ombre du west comme des foutus hippies et le monde nous prennent pour des voyageurs invétérés alors qu'on a seulement roulé vingt minutes !

On repart vers Magog. Ma blonde est accoudé sur le rebord dans la vitre quand, soudain, elle se retourne vers moi.
- Chéri, dit-elle.
- Oui ?
- Ta fenêtre vient de tomber dans la porte.
- Pas grave, j'arrangerai ça rendu à Magog.
De là à Magog, elle se fait du mauvais sang à s'imaginer toute l'humidité et les bibittes qui entreront cette nuit par la fenêtre qu'elle me croit incapable de réparer.

À Magog, on se trouve une place dans un parc de stationnement et je défais la porte pendant que ma blonde défait la petite de son banc de bébé. Avec les huit mille sécurité d'aujourd'hui, ça nous prend presque le même temps ! La porte est arrangée (le soutient de la vitre est tellement rouillé qu'il a plié, je l'ai serré à la main et j'ai interdit à ma blonde d'y toucher jusqu'à notre retour). Nous partons donc faire une croisière sur le lac pour voir comment notre belle puce va trouver ça.

Résultat, elle trouve ça super et s'amuse beaucoup. Le bateau est tout petit et la croisière juste assez longue (1 heure). En revenant vers le west, la petite s'endort, alors on se réfugie encore à l'ombre du bus pour relaxer. On passe à nouveau pour des hippies de grands chemins, mais moi ça me fait plaisir, alors je savoure.

On part ensuite pour la plage. En cours de route, je me souviens que le frigo est connecté sur la batterie principale depuis deux heures et que ma batterie est loin d'être récente. Ouais, j'ai été trop paresseux pour installer le système pour une batterie auxiliaire malgré les super plans fournis par le site monwest.com. En tout cas. Arrivés à la plage, nous avons faim et, ça tombe bien, il y a un resto ! J'explique qu'on ferait mieux de retourner au west parce que sinon je vais peut-être avoir besoin d'un survoltage, puis je me ravise et je dis que c'est pas grave; si ça doit arriver, ça arrivera.

J'aurais pas dû dire ça.

On s'en retourne tout de suite au west dans un silence qui veut tout dire de ma bêtise. Heureusement, Rossinante hennit au premier coup de gaz et on part dans le centre-ville de Magog pour souper, coupe de vin à la main (pour nous) et bol pain sur la tête (pour Léa), au restaurant Jack-O. Côté bouffe, c'est dans les normes, mais pour le plaisir d'être là et nulle part ailleurs, ça vaut le coup.

On a bien mangé, on est heureux, on entrevoit avec enthousiasme la soirée qui s'en vient. On met la petite dans son siège, on s'assoit en avant, je pars le west... qui ne part pas.

Ma blonde me regarde, triste victorieuse, et murmure :
- Je le savais. C'était trop prévisible.
- Je t'aime, mon amour. Bouge pas, je vais trouver quelqu'un pour me survolter. (Ben non, pensez-vous que je parle comme ça ! J'ai dit "booster", mais là je veux franciser la chose, bon.)

Heureusement, on est dans le stationnement d'un IGA et d'un Jean Coutu. Des batteries, y'en a à la pelletée. Il s'agit juste de trouver quelqu'un de volontaire. Ma blonde part avec le biberon de la petite pour aller le faire réchauffer dans un resto et moi je déambule dans le parking, ma fille dans les bras, à la recherche d'une âme charitable. Le premier gars que j'aborde est en train de faire une commission pour sa job et peut pas se permettre une seconde de retard. Je continue ma marche et, même si je suis dans le stationnement le plus bondé de Magog à l'heure où tout le monde se pointe à l'épicerie, il n'y a personne nulle part. Je retourne vers le west, décidé à bloquer la rue pour me trouver un gagnant. Au moment où je me dis que je serai jamais capable de retrouver une blonde comme celle que je suis sur le point de perdre, mon premier gars court vers moi et me dit :
- Écoute, je sais pas pourquoi, mais y'a quelque chose qui me dit qu'y faut que j't'aide.
- C'est bienvenue. Mon char, c'est le Volks vert et blanc qui est là.

Pendant qu'il s'amène, je replace ma fille dans son siège et je sors mes câbles. Première nouvelle, le gars s'est stationné en avant du west. Je lui explique qu'il faut qu'il s'en vienne à l'arrière parce que le moteur n'est pas en avant. Il est confus, mais il m'écoute sans rien dire.

Entre temps, ma blonde revient et donne le lait à notre fille. J'ouvre ma porte de moteur pendant que le gars lève son capot, je mets la première pince sur le positif de sa batterie, je me retourne rapidement en me penchant pour mettre la pince sur mon positif et... le coin 100% tétanos de ma porte de moteur s'enfonce profondément sous mon oeil.

Je fais un peu le saut, mais je continue mon travail. Je me penche mieux et je pince le positif. Je pince le négatif sur ma batterie et je laisse l'autre à terre plutôt que de le connecter sur l'autre batterie (c'est ce que recommande de faire CAA). Je vous le répète juste au cas : cette journée-là, il fait 34. Même à 8 heures, j'ai de la sueur qui me coule dans la face. Je me relève donc et j'essuie l'eau qui me pisse dans le visage... pour réaliser qu'il y a plus de sang que de sueur. Je fais comme si de rien n'était (le gars m'a pas encore vu de face) et je me ramasse des mouchoirs en vitesse pour bloquer l'hémorragie. J'embarque dans le west et je le démarre.

Je redescends, je fais le tour pour aller prendre le petit 4l. d'eau qui est du côté de la porte coulissante. Je mouille de nouveaux mouchoirs pour nettoyer sommairement ma plaie qui saigne toujours. Ma blonde voit que je suis bizarre et je lui explique qu'il va falloir aller à l'hôpital. Elle est persuadée que je fais ça pour l'écoeurer, alors j'enlève mon pansement et son visage change complètement. Elle a oublié la fenêtre dans la porte, le long silence de la plage au bus, la batterie à plat, tout. Elle est effrayée. Elle pleure.

- Comment on va faire pour aller au camping ? me demande-t-elle, à moitié consciente.

Et c’est là, la face en sang et un sourire niais au visage que je lui annonce la surprise que je lui réservais : je nous avais pris une chambre dans un bed and breakfeast à deux pas du stationnement.

Elle ne comprend rien à ce que je viens de dire, alors je fais une nouvelle pression sur ma plaie et je retourne voir le gars qui a pris de son temps pour moi. Il voit bien que je me tiens la moitié de la face avec des kleenex ensanglantés, mais je lui dis que tout est correct et, d'une main, je déconnecte les pinces dans le sens inverse tel que recommandé par CAA.

Je sers la main à mon "helper" et il repart vers son travail.

Vous vous souvenez, j'ai dit qu'il y a un Jean Coutu pas loin. Ma blonde m'encourage à aller voir le pharmacien. Première nouvelle : cette pharmacie-là est la seule maudite pharmacie du monde qui n'a pas de pharmacien ! La cosméticienne me tend un essuie-tout me dit :
- Le Jean Coutu qui a un pharmacien est à cinq rues d'ici.
- Et l'urgence ?
- À quatre rues d'ici.

Les plus futés auront compris que je suis allé à l'urgence.

Avant de partir, ma blonde m'aide à concevoir un pansement à l'aide des cochonneries de ma trousse de premiers soins pour que j'aies les mains libres pour conduire (elle ne conduit vraiment pas "manuel").

Parce que je venais tout juste de partir le west, ma blonde et ma fille restent dedans pendant que je vais me faire faire une carte d’hôpital et que je m’inscris. Je rencontre l’infirmière qui évalue – et qui est très satisfaite de notre travail de chirurgiens bohèmes – et elle m’envoye en salle d’attente. Bon côté : au lieu d’une petite télé merdique qui joue les infopubs, c’est une télé 50 pouces où passe Troie avec Brad Pitt. Bon, le film est pas écoeurant, mais c’est mille fois mieux que tout ce que j’ai vu à la télé dans une salle d’urgence.

J’ai deux heures devant moi, alors on embarque dans le west, qui nous conduit au bed and breakfeast en deux secondes. Pendant que ma blonde arrange les affaires dans la chambre, je monte la glacière videuse de batterie, les vêtements et le nécessaire pour bébé.

Il est 21hres. On couche notre fille, ma blonde s’étend sur une chaise longue sur le balcon et promet de m’attendre (ce qu’elle fait réellement, d’ailleurs).

Le reste se passe bien. Un peu de colle et une promesse de me faire piquer pour le tétanos, de mettre de la crème solaire hyper-puissante sur ma plaie et de ne pas jouer avec. J’ai une bonne moyenne : j’ai respecté deux des trois promesses !

Le lendemain, on va à la plage et on monte à Saint-Benoit-du-Lac pour s’acheter deux grosses meules de « Saint-Augustin » et de « Le Moine ». Je croise d’ailleurs un bus blanc avec une feuille d’érable rouge dessus. Il est en état raisonnable et ses passagers sont des Ontariens qui ont tous plus de 55 ans !

Ah oui, j’oubliais, j’ai perdu la deuxième vitesse de la plage jusqu’à mon retour à Drummond, mais ça s'est replacé...

Donc, endroits recommandés :
- Moulin à laine d’Ulverton;
- Plage municipale de Magog;
- Les excursions l’Air du Lac;
- La labyrinthe de Memphrémagog;
- L’Abbaye St-Benoit;
- La Maison de ville, bed & bistro.

Le lendemain matin...

samedi 22 janvier 2011

Le repose-pied magique

Au moment de construire les pyramides, les architectes de Khéops utilisèrent un repose-pied pour déposer leurs plans.

Lorsque Guttenberg voulut chimer son imprimante dont une des pattes était trop courte, il utilisa ce même repose-pied.

Quand Marie Curie termina le raffinement du radium à partir du minerai d'uranium, elle put enfin s'asseoir et posa ses pieds sur, vous l'avez compris, le repose-pied ancestral.

Enfin, quand ma blonde et moi achetâmes notre futon (2003), on nous offrit gracieusement un « pouf » bleu, celui-là même qui avait servi aux architectes de Khéops, à Guttenberg et à Madame Curie.

Eh bien, le mois dernier, pour la première fois depuis qu'il était en notre possession, et après que notre fille y eut laissé fermenté une flaque de lait, ma blonde a émis une hypothèse troublante : « Penses-tu qu'on peut le laver ? »

Maintenant que c'est fait, je confirme que oui...

lundi 3 janvier 2011

Les voyages thanatologiques de Yan Malter

Basé sur un cycle de nouvelles tournant autour du thème du coma, Les voyages thanatologiques de Yan Malter, écrit par Jean-Pierre April, nous transporte dans un univers où il devient impossible de différencier la réalité du simulacre - à ce titre, lire We Can Remember It For You Wholesale de Philip K. Dick (désolé, je ne connais pas le titre en français, mais l'adaptation cinématographique est intitulée Total Recall).

Une (vieille) femme débarque chez un pro de l'infiltration informatique avec une boîte noire pleine d'une substance grisâtre dans laquelle serait coincé l'esprit de son père. Cette boîte, dans le passé, servait de distraction ; on s'y connectait, on vivait ce qu'on voulait, et on revenait. Or, le père de la femme ne s'en est pas sorti.

En infiltrant la "matière grise" de Yan Malter, le crack d'informatique en oublie un peu sa vie et, doucement, confond la (vraie?) vie qu'il a dans son appartement où est cette femme et celle, iréelle, où la femme et lui plongent pour trouver Yan Malter.

La relation parasitaire entre le matériel et les personnages se rapproche assez de celle présentés dans la nouvelle d'April « Mort et Télévie de Jacob Miro » publiée dans Des nouvelles de Québec chez Valmont éditeur et dans L'Anthologie de la science-fiction québécoise contemporaine publiée à la Bibliothèque québécoise. On y voit un personnage déjà soumis à l'appareil technologique et un second, incité par le premier, qui le devient (et s'ils résistent, c'est pire que l'assimilation qui les attend).

Bref, en tant qu'amateur de nouvelles littéraires (car on sent toujours leur présence dans le roman malgré tout) et de science-fiction (n'ayez crainte, il n'y a pas de vaisseau spatial ou d'extra-terrestre), je donne une note pratiquement parfaite aux Voyages thanatologiques de Yan Malter. La seule raison pour laquelle je n'accorde pas 10/10, c'est que, quand on tourne la dernière page, ce n'est pas une telle note qui nous vient en tête. Ce n'est qu'avec un peu de recul qu'on apprécie le roman dans son entièreté.

9,5/10