vendredi 12 avril 2013

À propos du tabarnak de livre

Bon bon. Si vous êtes pas au courant, c'est parce que vous passez pas assez de temps à lire votre facebook ou à écouter la radio fm.

En gros, une mère de la rive sud s'est plainte parce qu'un livre de marde publié par un éditeur français montrait un castor qui voulait sauver un améridien. Surpris par l'adversité, le castor s'écrie "tabernacle". En bas de page, on écrit que c'est un terme québécois qui signifie l'étonnement.

Je sais pas par où commencer. Premièrement, je suis pas troublé pour deux cennes. Les Français, de façon générale, ne comprennent pas la portée de nos sacres. En fait, personne dans l'univers, à part nos catholiques, comprennent la portée de nos sacres. Cette mère-là pensait-elle vraiment que l'éditeur avait conçu ce livre-là pour elle, une Québécoise d'éducation catholique encore marquée par son éducation traumatisante ? Calvaire, c'est naïf.
Deuxièmement, il y a 5 exemplaires de ce livre chez le distributeur québécois. Un seul vendu depuis l'année passée. Tous le monde qui a écrit un livre pour enfant dans les dernières années a vendu plus d'exemplaires que ça. Un livre qui n'a qu'une vente par année s'en va au pilon, pas dans l'éditorial d'un journal outré. Cette page de journal aurait pu servir à plutôt présenter les bons livres qui sont méconnus des libraires.

Troisièmement, tu penses vraiment que ton enfant n'entendra jamais de sacres ? T'es naïf. J'ai deux enfants, ils ont entendu des sacres et ils vont très bien. Ma fille est même probablement la plus articulée de sa classe malgré tout. Faut juste que tu leur apprennes que ces mots-là existent, mais qu'on ne les utilise pas par politesse. Ce matin, Jean-René Dufort proposait le "permis de sacre". Il a expliqué à ces enfants qu'ils doivent avoir un permis pour sacrer, et qu'il s'obtient à la majorité. En attendant, ils peuvent les entendre, mais ne peuvent pas les utiliser.

Quatrièmement, sérieusement, "tabarnak" ne signifie pas que l'étonnement, c'est très mal connaître la langue québécoise que de dire ça. Vous le savez, mais je l'écris parce qu'une partie de mon traffic vient d'Europe, les sacres sont très polyvalents :

Surprise : tabarnak ! tu m'as fait peur !
Étonnement : tabarnak que c'est beau !
Colère : je suis en tabarnak !
Joie : ah ben tabarnak ! ça fait longtemps qu'on s'est pas vus !
Tristesse : tabarnak, veux-tu ben me dire ce que j'ai fait au bon dieu ? (autre sujet, d'ailleurs)

Et le sacre n'est pas qu'une interjection, c'est aussi un nom commun, comme dans : le tabarnak s'est sauvé avec mon portefeuille.

Encore là, "tabarnak" est le moins polyvalent des sacres. On le voit rarement prendre la forme d'un verbe, d'un adjectif ou d'un adverbe, contrairement à "criss" (Christ), comme dans : mon criss, m'a t'en crisser une criss de bonne.

Ouais, moi, c'est comme ça que j'écris "criss". Si ça fait pas ton affaire, tu sais bien que je m'en __________
(je pense que, maintenant, tu es capable de compléter cette phrase tout seul).

8 commentaires:

  1. LOLOL Excellent billet, Carl!

    Le pire dans l'histoire, c'est que cet article risque bien de faire vendre quelques copies supplémentaires à la maison d'édition... "Parlez de moi en bien, parlez de moi en mal, mais parlez de moi SVP!"

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  2. Merci Isabelle, je trouvais l'histoire un peu grosse, alors j'essaie de relativiser.

    J'ai effectivement résisté à la tentation de commander ce livre sur le net (il a été retiré du marché québécois), mais j'y ai quand même réfléchi et, comme nous l'a appris notre éducation catholique, même en pensée, c'est un péché !

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  3. Carl, je t'adore! lolol! T'as écrit exactement ce que j'ai pensé en lisant l'article! :)

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  4. Je suis content que ça te plaise. Ça me démangeait depuis hier d'écrire ça. J'ai laissé la poussière retombée (en moi) avant de publier et c'est ce que ç'a donné.

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  5. Une belle scène dans Bon cop, bad cop l'illustre bien.

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  6. François, c'est exactement à ça que je pensais quand j'ai ajouté la précision sur la polyvalence du sacre.

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