Charles récupère
Shanti et se dirige dans la direction indiquée par la femme. La troisième maisonnette
ne présente rien de particulier, sinon un petit écriteau près de la porte. De
l'intérieur leur parvient le bruit constant, comme circulaire, d'un métal
grinçant qui rappelle à Charles le son que produisent des freins usés. Et, en
s'y arrêtant, l'odeur qu'il perçoit de l'extérieur lui rappelle des disques
surchauffés.
-- Qu'y est-il écrit?
demande Charles en pointant l'écriteau à Shanti.
-- « Entrez ».
-- Sérieusement?
-- Ce n'est pas une
blague. Ça signifie seulement que c'est un commerce.
-- Alors, entrons, si l’on
nous y invite, dit Charles en haussant les épaules.
Une forte odeur de
soufre saisit les deux hommes aux narines dès qu'ils ouvrent la porte. Une
chaleur innommable leur coupe le souffle et la fumée leur pique les yeux. Charles
se sent vulnérable comme au premier jour de sa vie. Il avance prudemment,
espérant faire bonne figure le temps de reprendre le contrôle.
À droite, un homme
d'une quarantaine d'années émoud une lame sur une pierre circulaire. À gauche,
un foyer en pierre chauffe en son cœur orangé une pièce de métal qu'un très
vieil homme plonge et replonge dans les braises. Aucune trace d'une femme ici.
Shanti, dont la vue
s'éclaircit aussi, s'adresse à l'émouleur. Ce dernier lui indique le fond de la
cabane. Charles l'accompagne loin de la chaleur et de la fumée pour atterrir
dans une seconde pièce, fraîche en comparaison à la première. Cette petite
chambre donne sur la cour arrière, où une petite fille d'environ cinq ans joue
autour d'une immense cheminée fumante.
Assise à une table de
travail, une jeune femme aux cheveux de jais grave avec minutie une lame
étincelante. La beauté de l'image qu'elle burine sur ce couteau n'a d'égal que
le tatouage qu'offre son dos à demi dénudé. Pour la première fois depuis
longtemps, le cœur de Charles fait un bond. La dernière fois qu’il s’est senti
comme ça, c’est lorsque, à l’âge de huit ans, il avait trouvé la cachette des
cadeaux de Noël. Un mélange de joie immense et de peur. La peur de se faire
prendre la main dans le sac.
Charles, médusé, est
aussi surpris que la jeune femme lorsque Shanti se racle la gorge. L'artiste
s'arrête, pose ses outils et se tourne très doucement vers ceux qui osent
troubler son travail. Elle voit d'abord Shanti, ce qui la laisse neutre. Par
contre, lorsqu'elle aperçoit Charles, son regard change complètement. Depuis
combien de temps n'a-t-elle pas vu un Occidental?
Sa mâchoire se serre,
ses sourcils se froncent, ses muscles se tendent. Charles jurerait qu'elle
compte se saisir de cette arme inachevée pour lui trancher la jugulaire. Avant
qu'elle agisse, il tente de désamorcer la situation.
-- Bonjour, je me
nomme Charles Bouffard. Je ne travaille pas pour AlphaLab.
Elle retourne aussitôt
à son ouvrage, ignorant complètement les deux hommes. Mais elle ne s’est pas
détendue. À voir sa musculature à la fois féline et féminine, Charles comprend
qu’elle ne doit pas avoir perdu la main depuis les cinq dernières années.
-- Mon client aimerait
beaucoup s'entretenir avec vous, l'informe Charles.
Aucune réaction.
-- En cinq ans,
beaucoup de choses ont changé, vous savez...
Toujours rien. Charles
joue sa dernière carte.
-- Avec ce qu'on sait
aujourd'hui, le sort de Benoit aurait pu être bien différent.
Elle arrête net son
geste. Se redresse. Son burin et son marteau toujours en main.
-- Suis-moi, dit-elle.
Charles marche
derrière elle jusqu'à la cour arrière. À peine met-il le pied sur la pelouse
que la jeune femme le pousse contre le mur de la cabane. Elle appuie son
avant-bras contre la gorge de Charles et tient le ciseau bien haut afin qu'il
atterrisse dans l'œil de son prisonnier si l'envie lui prend de bouger.
-- OK. Parle. Si t'as
fait tes devoirs, tu sais que t'es pas le premier à te pointer ici, et qu'aucun
n'est reparti.
Shanti!? Où est ce guide quand il pourrait vraiment être utile?
-- Mais je ne suis pas
d'AlphaLab! répète Charles.
-- C'est la seule
raison pour laquelle tu n'es pas encore mort, mais il ne te reste pas beaucoup
de temps avant que je te burine une cavité.
-- Premièrement, je ne
suis pas là pour vous tuer ou vous enlever. Aucun mal ne vous sera fait si vous
acceptez de me suivre...
-- Ça sonne comme une
menace!
Cette femme - ses
mots, sa chemise légère, son aura mystérieuse - lui fait perdre ses moyens. Et
elle a raison, ça ressemblait drôlement à une menace.
-- Ce n'est pas ce que
je voulais dire, balbutie-t-il. Mon client ne vous veut aucun mal. Il demande
votre aide.
-- Qu'est-ce qu'il
veut? demande-t-elle en diminuant la force appliquée contre la gorge de Charles.
-- Je ne le sais pas
exactement, mais...
-- T'as fait
je-sais-pas-combien d'heures d'avion sans savoir pourquoi ton boss veut me
voir?! Bravo!
Elle retire son
bras... Pour applaudir! Charles serait humilié s'il n'avait pas si peur qu'elle
le tue. Il pèse ses mots dans l'espoir que son charme opère.
-- En effet. Tout ce
que je sais, c'est que vous êtes la seule personne en vie pouvant l'aider et
que vous pourriez éviter à d'autres personnes de vivre ce que Benoit a vécu.
Un instant, Charles croit
percevoir un mouvement vers lui, comme si elle avait finalement choisi de le
tuer, mais son geste est interrompu par une petite voix claire :
-- Maman, est-ce que
le monsieur parle de papa?
L'enfant qui jouait il
y a encore une minute dans la cour s'est intéressée à eux. Charles en remercie
les cieux, puis se penche vers la petite.
-- Ta maman t'a appris
le français?
Elle sourit.
-- Oui. Et Toichi m'a
appris à me battre.
-- ... Pour te défendre,
complète sa mère. Retourne jouer, Ari.
La petite s'éloigne. Charles
se relève, affronte le regard désapprobateur d'une lionne surprotectrice.
-- Ne lui adresse plus
la parole sans ma permission.
Message reçu. Charles
revient au sujet sans souligner l'horreur d'une telle insinuation.
-- J'ai des passeports
et des billets d'avion en première classe pour votre fille et vous. Au Québec,
vous serez nourries et logées aux frais de mon client.
-- Est-ce qu'on s'en
va au Québec? demande Ari, revenue à la charge.
-- Non, non! coupe sa
mère. Le monsieur s'en allait.
Comme si cette
affirmation avait été un coup de marteau sur son doigt, la petite se met à
pleurer. On jurerait qu'elle souffre le martyre. Ses pleurs ne se calment
qu'après une longue minute à imbiber la chemise de sa mère de mucus et de
larmes.
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