samedi 18 décembre 2010

Il y a un rhinocéros dans ma botte

Vous souvenez-vous de la pièce Rhinocéros d'Ionesco ? En littérature 102, je me tue à faire comprendre à mes élèves que ce n'est pas seulement l'histoire d'un monde absurde où tout le monde devient un rhinocéros. Oui, la pièce présente une série de personnages qui, les uns après les autres, se transforment en mammifères cornus, mais Rhinocéros, c'est aussi le triste constat que fait Ionesco des modes de pensée, du totalitarisme, de l'exclusion devant la masse et de l'abdication devant plus grand que soi.

Dans la pièce, beaucoup de personnages deviennent rhinocéros avec plaisir ou sans s'en rendre compte, mais beaucoup choisissent de combattre l'épidémie et tentent vainement d'échapper à ;a transformation inéluctable.

La tante de ma blonde a encore un téléphone à cadran et, malgré les offres alléchantes de la compagnie de téléphone, elle refuse d'abandonner ce drôle d'appareil dont mes étudiants n'ont jamais vu la forme.

J'ai mis des années à accepter d'utiliser Google, j'ai toujours trouvé qu'Altavista était plus fiable (surtout grâce à sa recherche de phrase exacte). Puis, quand il est apparu dans le haut de mon navigateur web, j'ai abdiqué.

Le milieu de l'édition m'a convaincu d'ouvrir un compte Facebook. La promotion et les connections, semblent-ils, passent par là. Tant qu'à y être, j'y suis allé d'un compte Twitter aussi (que j'apprécie davantage). J'ai fini par me faire prendre au jeu et je confesse avoir écrit des statuts du genre : "Aujourd'hui, je fais du pain aux bananes." Ce que je regrette amèrement parce que c'est justement ce pourquoi je ne voulais pas m'inscrire dans un réseau social. J'ai même téléversé des photos de mariage !

Aujourd'hui, je réalise que je n'ai pas les moyens de mes prétentions. Jusqu'à aujourd'hui, j'ai fait mon marché au marché et acheter ma viande chez e boucher. J'ai pris mes jouets chez un marchand du coin qui n'est affilié à aucun mégacentre. Un grand ami à moi, dont le cynisme ferait uriner Andy Warhol dans son pantalon, a toujours été intrigué par cette propension que j'avais à me tenir loin des Wal-Mart, Loblaws, Futureshop et autres chaînes de vente. Son principal argument était que mon seul geste n'avait pour effet que de retarder la chute du petit commerçant. Par mes encouragements monétaires, je ne faisais qu'empêcher ce futur employé de se trouver un bon emploi avant de faire banqueroute.

"La masse est plus forte que toi, Carl."

C'est vrai, il a raison. À la fin de Rhinocéros, une femme qui a combattu tout au long de la pièce trouve soudainement que la vie des rhinocéros n'est pas si mal, qu'ils sont même beaux. Le dernier homme se promet de le rester et la pièce se termine ainsi. Mais je connais la suite de cette pièce...

Bérenger capitule et devient un rhinocéros, il se laisse porter vers ce monde où il n'est plus différent. Si c'était les rhinocéros qui étaient les intrus au début de la pièce, à la fin, ce sont les hommes, ceux qui croyaient bon de résister.

On ne peut pas toujours combattre. On ne peut pas gagner toutes les guerres.

Il est si bon de faire partie de la masse. Aimer la musique FM, Avatar et Tout le monde en parle.

La vieille tante n'a toujours pas changé de téléphone, mais la compagnie lui charge des frais monstrueux pour payer cet entêtement.

Combien d'entre vous pourraient me lire, si je n'avais ni Facebook, ni Twitter, ni blogue ?

Hier, je suis passé chez Maxi. Mon huile d'olive m'a coûté 12$ moins cher.

Il y a un rhinocéros dans ma botte.



4 commentaires:

  1. Je suis souvent Don Quichotte. J'aime combattre les moulins à vent. Mais à la longue, on s'apercoit que ces "trips" de conviction mêlé d'orgueil sont sans issue. Mais toud de même, j'aime pensé que parfois il es mieux d,être le Don Quichotte ou de ne pas être le Rhinnocéros.

    Aujourd'hui, je suis fier de dire que je ne regarde pas la bande de Morons d'occupation double, je ne connais pas tous les noms des bidules au Sushi bar et je ne sais pas la différence entre les plages de Cuba, de la République dominicaine et du mexique...
    Mais j'ai succombé, à Facebook,la TV HD, acheter mon gros pot de cornichons chez Costco pis regarder du couin de l'oeil le Ipad 2 qui s'en vient en février...

    Je fais aussi un beau gros Rhinnocéros ;)

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  2. Et pourtant, je continue de me battre aussi... Et il y a de ces choses qui s'éteigne ou changent qui me rendent si amère !

    Mais comme disait si lucidement Patrick Senécal dans Le Vide; on ne peut pas être de tous les combats. J'ai cessé de me battre pour certaines choses et je les ai acceptés comme étant un incontournable sans grande conséquence pour faire partie de la société d'aujourd'hui. Culturellement parlant, on ne peut pas se permettre d'être toujours celui à côté de la track, sinon, on devient socialement aussi de côté et on manque toujours le bateau qui nous est pourtant nécessaire. Mais il y restera toujours des choses que je ne ferai jamais, même sous la torture. Parce que ces choses, les accepter, ce serait me trahir simplement.

    Et il faut rester réaliste; on ne peut pas pousser à la dernière minute un éléphant qui va s'asseoir sur une porcelaine. On le regarde faire, on soupire, puis on se dit qu'il va peut-être s'apercevoir de ce qu'il a fait un jour...

    Pour l'huile d'Olive; j'achète au moins une fois par année de l'huile d'olive d'une coopérative de Palestine, qu'on vend à Drummond dans les petits marchés bios une fois par année. Elle est plus chère, mais je n'avais jamais goûté à une huile d'olive de cette trempe ! Après y avoir goûté, je me suis dit qu'en fait, probablement que j'achetais un mélange d'huile d'olive et d'huile végétale...

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  3. Je pense qu'il faut choisir ses combats, les moduler selon nos capacités.

    J'achète le gros de mon épicerie dans une grande chaîne, mais les produits fins (fromages, charcuterie, huiles, chocolat et, bien sûr, café!) proviennent d'une épicerie indépendante.

    Même dans les grandes chaînes, quand j'ai l'option d'acheter une version bio et/ou équitable d'un produit, c'est celle que je choisis, quitte à payer un peu plus.

    Mais mon budget n'étant pas extensible, je dois cependant me fixer des limites.

    L'idée avec le rhinocéros, c'est d'essayer d'y résister le plus longtemps possible... histoire de laisser aux tigres le temps de remplacer les rhino... et puis on reprend le combat à zéro!

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  4. @Pierre : Ouais, je fais un pas pire rhinocéros barbu... Je pensais à occupation double, entre autres. J'ai manqué des gags de Tout le monde en parle parce que je n'écoutais pas cette émission-là. Par contre, le trip oriental, je suis dedans depuis l'université et j'adore les sushis ! Pour ce qui est du Ipad, si tu savais comment j'ai hâte que mon ordinateur portable me lâche (mais c'est un mac, alors j'ai aucune chance !)

    @Karine : C'est pour ça que je m'entends bien avec Pat. Si tu savais à quel point il aimait me ramener sur terre dans le temps du cégep... Manquer le bateau qu'il nous faudrait prendre, c'est aussi ça que je veux dire. Si je n'avais pas accepter de suivre la voie publique (être édité par les Six Brumes plutôt qu'autoédité), je n'aurais pas rencontré de si tôt des gens comme Gen et Pierre (et Richard, Guillaume, Guillaume (il y en a deux), Dominic, Martin, Isabelle, etc.) Les autres avaient juste à commenter mes autres messages pour que je les nomme ;-)

    @Gen : Y'a bien juste quelqu'un qui s'y connaît en combat martial pour me ramener le tigre ! J'ai pratiqué longtemps et on m'a enseigné le style de la Grue Blanche (Baihequan). Je peux te dire que j'étais tellement déçu de ne pas être un tigre (esprit ingrat d'enfant, aujourd'hui je serais honoré par mon maître).
    Désormais, les produits fins seront exceptionnels. Partant de là, peut-être que je les achèterai chez des indépendant, mais c'est ma bourse qui en décidera. J'ai mis toute ma force dans ce combat. En me retirant, je deviens plus fort dans d'autres batailles que je pourrai les gagner plus aisément.

    Wow ! C'est agréable d'être lu (et commenté) !

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